Difficiles. Compliquées s’annoncent les pourparlers qui ont repris samedi 3 janvier à Kampala entre Kinshasa et le mouvement rebelle du M23. Les deux camps affichent des positions manifestement bellicistes. Un échec des négociations entraînerait une reprise des hostilités à l’est de la RD Congo.
La délégation rebelle est arrivée vendredi dans la capitale ougandaise. Les négociateurs du gouvernements, conduits par le ministre des affaires étrangères, Raymond Tshibanda, étaient déjà sur place, a-t-on appris de source officielle à Kampala.
« Nous espérons pouvoir passer aux choses sérieuses demain », affirmait la veille, le porte-parole du ministère ougandais de la défense, Paddy Ankunda.
Les travaux avaient été entamés le 9 décembre dans la capitale ougandaise sous l’égide du président Yoweri Museveni, président de la Conférence internationale de la région des grands lacs (CIRGL), puis avaient été suspendus pour les fêtes le 21 décembre. Ces premiers travaux n’avaient pas donné beaucoup de résultats. En effet, seul le règlement des débats avait été adopté, l’ordre du jour étant toujours en discussion, selon une source diplomatique à Kinshasa.
Souffler le chaud et le froid
C’est le président congolais qui, dans un message au Parlement, ensuite lors de ses vœux à la Nation, a annoncé la couleur. Pour lui, la « priorité » était « la défense, rien que la défense ». Joseph Kabila a appelé les jeunes Congolais à « s’engager nombreux sous le drapeau pour la défense de la patrie ». Il a par ailleurs refusé de promulguer le projet de budget 2013 au motif que le document ne prévoyait pas suffisamment de ressources pour mener à bien la réforme et la modernisation de l’armée. Peuxt-on y voir une volonté réelle de régler militairement le conflit à l’est? Rien n’est moins sûr.
En tout cas, le leader congolais s’est empressé de tempérer ses propos. Dans son message de vœux, il a annoncé son intention de mettre sur pied un « cadre d’échange entre toutes les forces vives de la Nation ». Un message qui sonne aux yeux de certains comme un appel à une table ronde qui pourrait aboutir à un éventuel partage de pouvoir entre les belligérants. Une partie de l’opposition ainsi que la société civile ont déjà rejeté cette proposition.
En écho à ce message du président Kabila, le responsable politique du M23, Jean Marie Runiga, a annoncé que son mouvement continuait à réclamer « des négociations directes avec le gouvernement et qu’il souhaitait la signature d’un cessez-le-feu », ce que refuse le gouvernement.
Pourtant, le même Runiga a aussi menacé de reprendre les armes : « Le langage que Kabila comprend, ce sont les armes (…) si c’est dans cette voie-là qu’il veut encore s’engager, cette fois-ci nous irons très loin ». Le chef politique du M23 a également laissé entendre qu’il comptait s’inspirer sur l’exemple de la rébellion centrafricaine.
Kampala, dialogue de sourds
Depuis le début de la rencontre, les problèmes de fond n’ont pas été abordées. Le mouvement rebelle réclame des discussions politiques générales alors que le gouvernement veut les limiter à l’application de l’accord du 23 mars 2009, sur laquelle le M23 a fondé au départ sa lutte armée.
Le M23 est formé d’anciens rebelles, d’abord intégrés dans l’armée de RDC aux termes d’un accord signé le 23 mars 2009 avec les autorités de Kinshasa, mais qui ont repris le combat en avril 2012 dans le Nord-Kivu, accusant le gouvernement de ne pas l’avoir respecté. Les mutins refusaient notamment, au sein de l’armée, toute mutation hors de leur région du Kivu afin de protéger leurs familles et les membres de leur communauté qu’ils estiment en danger. Ils réclamaient aussi de conserver dans l’armée régulière les grades qu’ils avaient dans la rébellion.
Ils ont ensuite multiplié leurs doléances, qui touchent désormais à des questions de gouvernance, de bien-être social, de droits de l’homme. Ils ont aussi remis en cause la légitimité du président Joseph Kabila, réélu en 2011 au terme d’élections contestées.
Le M23 maintient la pression
Depuis le début du conflit en mai 2012, le M23 a conquis une partie du Nord-Kivu, riche région minière et agricole de l’est de la RDC. Le 20 novembre, il a pris, malgré la présence de troupes des Nations Unies, la capitale régionale, Goma, avant de s’en retirer onze jours plus tard sous la pression des pays de la région. Selon Kinshasa et l’ONU, le M23 est appuyé par l’Ouganda et le Rwanda, ce que ces deux pays nient.
Le mouvement rebelle s’était engagé à se retirer à 20 kilomètres de la ville mais a en réalité maintenu ses positions à quelques kilomètres autour de Goma, étendant son emprise administrative sur la plus grande partie du Nord-Kivu. Une manière de maintenir la pression sur Goma au cas où les négociations tournaient mal. Les hommes de Runiga ont même ouvert le feu sur deux hélicoptères des Nations unies qui survolaient le territoire sous leur contrôle.
Une force internationale neutre, décidée en juillet dernier par l’Union africaine, est en cours de constitution avec l’arrivée « incessamment » d’un bataillon tanzanien d’environ 600 hommes.